sábado, 6 de febrero de 2021

La campagne du PS plombée par Frêche - Libération

Martine Aubry a donné le coup d’envoi des régionales, hier, à Paris, devant 1 300 secrétaires de section socialistes.

Le président du conseil régional du Languedoc-Roussillon George Frêche, le 1er décembre 2009 à Montpellier (© AFP Pascal Guyot)

Pour «le 21 mars au soir», Martine Aubry voit «une carte des régions toute rose». Mais dans le Languedoc-Roussillon, ça risque de virer au roussi. N’était Georges Frêche et son «incontinence verbale», selon le sénateur fabiusien Henri Weber, la fête s’annoncerait quasi complète aux régionales pour le PS. Martine Aubry a lancé hier à Paris, «la fleur au fusil», la campagne des socialistes, en présence de plus de 1 300 secrétaires de section rassemblés à la Mutualité.

Si seulement il n’y avait pas Georges Frêche qui lui colle aux talons comme un chewing-gum. A la tribune, Aubry explique qu’elle a dépêché à Montpellier son lieutenant François Lamy pour «essayer de faire en sorte qu’une région qui pose encore des difficultés réunisse l’ensemble des hommes et des femmes de gauche». En clair, de monter autour d’Hélène Mandroux, maire PS de Montpellier, une liste alternative à celle du président sortant.

Depuis jeudi, celui-ci a perdu le soutien du PS après ses propos sur la «tronche pas très catholique» de Laurent Fabius. Entre le PS, Frêche et ses «dérapages : sur les harkis, les Noirs et là sur les juifs. Aujourd’hui, c’est fini», martèle Aubry à son arrivée. «Les colonnes du temple que sont les secrétaires de section sont venues dire à Martine qu’il ne fallait pas qu’elle lâche. Georges Frêche, ça suffit !» s’enflamme le fabiusien Claude Bartolone, membre de la direction. «Martine réagit humainement, politiquement c’est plus compliqué», lâche un de ses proches. Localement, Hélène Mandroux ne rallie en effet que des seconds couteaux du PS, en attendant le vote sur son investiture mardi au bureau national.

Mauvais présage : sur les onze secrétaires de section de l’Hérault, un seul - retrouvé par Libération - a fait le déplacement. «Et encore, je suis au placard ! Martine Aubry ferait bien d’appliquer les valeurs de la gauche à la fédération du Nord qui l’a élue [première secrétaire, ndlr] par une machination électorale», tacle-t-il. Et si le PS finissait par exclure les socialistes restés sur la liste Frêche ? «Alors je me couperai en deux, rigole ce militant. Tout ça, c’est de la polémique entre gros pontes, ce qui compte, c’est que samedi Montpellier a mis 2-0 à Marseille. Et que Frêche supporte à fond le club de foot.»

Menace. En coulisse, l’affaire Frêche parasite l’unité de circonstance entre les courants et leurs chefs. Les aubrystes soupçonnent les pro-Hamon de jouer «l’ambiguïté sur Frêche». Et s’interrogent, au vu du silence de Ségolène Royal depuis jeudi, sur la fiabilité des royalistes, comme sur celle de Vincent Peillon. Bref, à l’exception d’Aubry, vouée aux gémonies par le féodal montpellierain, chacun suspecte son voisin de vouloir rafler les 15 000 cartes d’adhérents du PS de son fief lors des primaires.

«C’est moi qui ai demandé et obtenu l’exclusion de Frêche [du PS en 2007, ndlr]», rappelle Hamon. Son entourage critique la façon dont Claude Bartolone est parti bille en tête, sans assurer ses arrières localement autour d’Hélène Mandroux. Sur place, pour convaincre, la direction joue «la pédagogie». Aucune menace de sanction ou de mise sous tutelle des fédérations, assure-t-on, n’est brandie. «Le sens du déplacement de Lamy c’est la main tendue. La purge n’appartient pas à notre code génétique», assure François Kalfon, secrétaire national adjoint à la communication.

Tous les dirigeants socialistes s’accordent à renvoyer la balle dans le camp d’Europe Ecologie et de Jean-Louis Roumégas, leur chef de file régional. «Les Verts jouent un jeu dangereux. La seule façon de battre Frêche, c’est d’arriver en tête au premier tour. Seule une liste conduite par un socialiste le peut», martèle un proche d’Aubry. «Il faudrait qu’en trois jours on s’aligne en roue de secours, alors qu’on a construit un programme et un rassemblement sur la clarté face à Frêche. Nous faire porter le chapeau serait abuser», s’énervait hier Cécile Duflot qui a eu Aubry au téléphone ce week-end. Hier, cette dernière a assuré que pour «rassembler la gauche» le PS ne doit pas «se faire plaisir avec des petites phrases sur ses partenaires». Car, pour faire le grand chelem, il faut aussi préserver les chances de l’union face à la droite pour le deuxième tour. C’est ce qu’avait tenté de faire Jean-Paul Huchon, président sortant de l’Ile-de-France, à la tribune de la Mutualité, en ironisant sur le quarteron de femmes ministres envoyées à ses trousses par l’UMP et photographiées en blouson de cuir noir dans Paris Match. Puis Benoît Hamon en opposant le «bouclier social» des régions socialistes au bouclier fiscal de Sarkozy.

 

Jubilation. Aubry se pose en championne de la fierté socialiste et en première opposante à Nicolas Sarkozy. Avec une jubilation inédite. L’émission de télévision du chef de l’Etat face au panel de Français ? «On attendait Sacré Soirée, on a eu le Maillon faible.» Elle peint un Président autosatisfait et «en décalage avec ce que vivent les gens». «Il ne sait pas que des heures supplémentaires, c’est des chômeurs en plus». L’ingérence du Président dans l’affaire Clearstream ? «Sa fonction est aujourd’hui abîmée, dénaturée, privatisée !» balance-t-elle, vraisemblablement boostée par le sondage du JDD qui la donne deuxième présidentiable du PS, deux petits points derrière Dominique Strauss-Kahn.

Elle accuse la droite d’avoir le culot de prendre encore «ses» 35 heures comme bouc émissaire et d’avoir «dévalorisé le travail […] nous allons le revaloriser. Nous demandons solennellement - et nos députés vont déposer une proposition de loi - une allocation solidarité-crise qui allonge de six mois les indemnités des chômeurs en fin de droit».

Conclusion de la maire de Lille : «Face à l’inefficacité, à l’imprévoyance et à l’injustice portée par Nicolas Sarkozy, la France a besoin de régions de gauche.» Les régionales et 2010 seront «l’an 1 de la reconquête pour les socialistes». Et son tremplin pour les primaires de 2011.