Économie

Belgique : Bernard Arnault fait demi-tour

Bernard Arnaultà Paris, le 15 mai 2008. (Photo Charles Platiau. Reuters)

Le milliardaire français, lassé d’être suspecté d’évasion fiscale, a retiré sa demande d’acquisition de la nationalité belge.

Libération

Bernard Arnault va rester 100% français. Le PDG et actionnaire majoritaire de LVMH a annoncé, dans une interview au Monde, qu’il avait officiellement retiré, hier, sa demande visant à obtenir la nationalité belge. Révélée le 8 septembre par la Libre Belgique, cette démarche avait provoqué une intense polémique (marquée par le «Casse-toi riche con !» en une de Libération), sur fond de soupçon d’exil fiscal.

L’homme le plus riche de France, et 14e fortune mondiale (1), veut clore la polémique. «Je ne veux plus être associé à une situation où l’on peut soupçonner que je souhaite l’exil fiscal.» Il l’a d’autant plus mal vécu qu’il figure «dans le peloton de tête des contribuables français». «J’ai à plusieurs reprises expliqué que je resterai résident en France et que je continuerai d’y payer mes impôts. En vain : le message n’est pas passé», regrette Arnault.

L’homme d’affaires, âgé de 64 ans, qui avait jusqu’ici refusé de dire pourquoi il voulait devenir belge, veut désormais «lever toute équivoque». Il confirme ce que ses communicants avaient commencé à expliquer en off : sa démarche visait uniquement à sécuriser juridiquement Protectinvest, sa fondation belge créée en 2008. Comme l’avait révélé Libération, Bernard Arnault y a transféré dans le plus grand secret, en décembre 2011, 79,5% du capital de Groupe Arnault, le holding familial qui contrôle notamment ses parts dans LVMH et Carrefour, et qui représente la quasi-totalité de sa fortune, évaluée entre 18 et 21 milliards d’euros.

 

Montage. Protectinvest a été conçue pour assurer la pérennité du groupe qu’il a fondé s’il venait à décéder brutalement. Dans ce cas, ses cinq enfants auraient l’interdiction de vendre leurs parts jusqu’en 2023, ce qui correspond au moment où son plus jeune fils aura 25 ans. Bernard Arnault redoutait qu’un de ses héritiers conteste le montage devant la justice. La fondation «serait devenue inattaquable si j’avais […] obtenu la nationalité belge. Mais aujourd’hui, je préfère cette relative fragilité - et je fais confiance à ma famille pour rester unie, comme elle l’est aujourd’hui - plutôt que d’être assimilé à un exilé fiscal». Il ajoute que la fondation, qui peut aussi servir à transmettre du patrimoine sans payer d’impôts, ne sera pas utilisée à cet effet. En clair, ses enfants paieront leurs «droits de succession […] en France le moment venu».

Pour Bernard Arnault, il était donc temps d’éteindre l’incendie, dont il reconnaît avoir «sous-estimé l’impact». Car l’affaire commençait à abîmer sérieusement sa réputation, mais aussi celle de LVMH. Comme «le groupe et toutes ses marques [Louis Vuitton, Dior, Céline… ndlr] représentent la France dans le monde entier, cette polémique pouvait avoir une incidence sur l’image qu’il représente».

Aurait-il retiré sa demande par peur d’essuyer un échec ? L’homme d’affaire dément, estimant qu’il avait «des chances importantes d’obtenir la nationalité belge». Il «avait des chances», a estimé pour sa part hier Georges Dallemagne, le président de la commission de parlementaires belges qui était sur le point de trancher le dossier. La demande de Bernard Arnault avait reçu un avis positif (celui des services de renseignements), mais aussi deux avis négatifs, émanant du ministère de l’Intérieur et de la justice belges. Le parquet de Bruxelles avait même ouvert en janvier une information judiciaire sur les montages financiers de Bernard Arnault outre-Quiévrain, soupçonnant certaines de ses sociétés d’être de simples boîtes aux lettres. Le patron de LVMH avait, dans la foulée, missionné une agence de communication de crise belge pour tenter de lever les doutes que sa démarche a suscités dans le pays.

«Chemins». Bernard Arnault a enfin profité de cette rare prise de parole pour lancer un message politique. «Je veux par ce geste exprimer mon attachement à la France et ma confiance dans son avenir», a-t-il lancé. Une aubaine pour François Hollande, en pleine polémique sur l’évasion fiscale. D’autant plus que le patron de LMVH se garde de critiquer la taxe à 75%. Il se montre en revanche moins convaincant sur les paradis fiscaux. Interrogé sur l’usage qu’en fait son groupe, Arnault répond qu’«il n’est jamais payant de prendre des chemins détournés». Alors même que l’homme d’affaires est (comme beaucoup d’autres) un grand adepte de l’optimisation fiscale, à la fois pour LVMH et Groupe Arnault, qui détiennent de nombreux holdings luxembourgeois, néerlandais et belges, destinés à minimiser légalement l’impôt. Il juge d’ailleurs «nécessaire d’engager une harmonisation fiscale au niveau européen. C’est là, me semble-t-il, une question plus importante que celle des paradis fiscaux, qui a commencé à être sérieusement traitée.»

(1) Selon le classement Bloomberg.

 

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