Chroniques

La Grèce, nos retraites, et ce cher bon vieux niqab…

Libération

Quand c’est la crise, c’est la crise. En étions-nous pourtant prévenus, de celle-là, ou plutôt, de celles-là ! Celle d’une Union européenne sans autre gouvernement que ceux, tirant à hue et à dia, des Etats-nations qui la composent (raison pour quoi l’auteur de ces lignes vota résolument contre, lors du référendum de 2005). Celle, encore balbutiante, mais globale, de la redistribution des richesses, dont la dite «réforme des retraites» ne constitue qu’un autre avatar. Celle du capitalisme dans son entièreté libérale à la Goldman Sachs que nous font les bandits spéculateurs et les brigands des agences de notation à la solde des banquiers gredins, tous dissimulés derrière le terme générique et pudique de «marché». Celle du nationalisme partout recommencé et que mesure, de Bruxelles à Rome et de Vienne à Budapest, les sacres électoraux d’une droite encore qualifiée d’«extrême», quand ses furieux zélateurs se réclament sans fard, désormais, d’un fascisme ou d’un nazisme à peine «néo».

La rencontre d’une femme voilée au volant d’une bagnole, dans la banlieue de Nantes, et d’un forcing législatif pour faire interdire partout le voile intégral, n’est pas anecdotique, et le ramdam qui s’ensuit non plus. Ils sont les produits dérivés et trop évidemment prévisibles du «grand débat» sur «l’identité nationale» porté par M. Besson et relayé par M. Hortefeux - cet incendie idéologique que M. Fillon peinera à circonvenir. Le ministre de l’Intérieur et des Auvergnats demandant au ministre de l’Identité nationale (le mec qui, au dire de son épouse et lors de son mariage, refusa en galéjant de jurer fidélité), de déchoir le citoyen français Lies Hebbadj de sa nationalité pour «polygamie», tout ça devrait être à se tordre. Le mitraillage de la mosquée d’Istres, dans la nuit de samedi à dimanche, l’est moins.

La «conférence de presse» du «boucher halal» en sa boucherie de Rezé, le service d’ordre barbu qui dispersa telle volée de moineaux la presse convoquée («On vous avait dit deux secondes !»), la rumeur fleurissant mercredi sur les ondes selon laquelle Hebbadj battrait sa femme, la révélation de ses commerces divers et entreprises aléatoires sous couvert d’une «association culturelle» islamique, font de M. Hebbadj la caricature, belle comme une provocation, du musulman tel qu’on l’aime, un demi-siècle après la guerre d’Algérie. Avec une sale gueule comme ça livrée en pâture électorale, on a vite fait de remplacer les droits de l’homme par ceux, exclusifs, du Français «de souche», avant d’imposer à ce dernier de se lever pour ouïr la Marseillaise et, au stade ou au musée lui interdire de se torcher avec le drapeau.

Avec une sale gueule comme ça, on peut s’asseoir sur les avis du Conseil d’Etat, sinon constitutionnel, et brandir d’opportuns sondages selon lesquels deux tiers du pays n’auraient de cesse que de voir dévoilées et tondues, sinon brûlées vives pour sorcellerie, quelques centaines de citoyennes suspectées de porter sous leurs chiffons le gun du braqueur de banque ou le pain de dynamite du terroriste islamiste. Avec une sale gueule comme ça, on stigmatise d’un coup cinq millions de musulmans vivant sur le territoire national, et dont l’immense majorité, s’estimant déjà suffisamment discriminés au faciès, à l’emploi, au logement, n’ont que foutre de l’épiphénoménal niqab, fût-il mis à l’index au prétexte du «respect de la femme» opportunément resservi.

Et ça marche du feu de tous les dieux. Au point que tiens !, voici le Parti socialiste plus que tenté de cautionner la manœuvre, révélant douloureusement les limites conceptuelles de la société du care de Martine Aubry. Qui, à gauche, ne souscrirait au programmatique «vivre mieux ensemble» de la première secrétaire, brandi contre le «tout avoir» à quoi le barbare modèle libéral prétend réduire l’humanité décivilisée ? Mais s’il n’est d’autre réponse politique apportée à son devenir économique, il faut craindre que cette perspective-là soit bientôt balayée par «les marchés». Car on voit mal ce qui pourrait empêcher l’Union européenne, où nous sommes tous et tout à la fois des Grecs et des Allemands, et les victimes, et les bourreaux, d’imposer demain à tous ses membres les traitements de cheval imposés à Athènes par ses «partenaires». Les experts ordinaires et partisans de l’UE telle qu’elle est nous disent qu’elle ne peut mourir, sans quoi, ce serait pire. L’Union, l’euro et les marchés participeraient ainsi d’une même fatalité hors laquelle, point de salut… L’Union, c’est comme Dieu chez Pascal revisité par Brassens: «Mettez-vous à genoux / priez et implorez / faites semblant de croire et bientôt vous croirez

En attendant le pire qui viendra quand même, les boucs émissaires sont tout trouvés : salauds de Grecs, menteurs comme des Arabes, et salauds d’Arabes, voleurs comme des Grecs !

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