Politiques

Des élus transparents mais pas trop

(Mis à jour: )

Récit La loi annoncée par le gouvernement sur la publication du patrimoine des élus fait grincer des dents l’opposition. Et même à gauche, on se rebiffe contre un «grand déballage».

Libération

(Photo Sébastien Calvet pour Libération)

Passer à l’après-Cahuzac en braquant les lumières sur la «transparence». Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault va annoncer aujourd’hui en conseil des ministres les grandes lignes du futur projet de loi sur la moralisation de la vie publique dont la version définitive est prévue pour le 24 avril. Au menu : la publication du patrimoine des parlementaires, des ministres et de leurs collaborateurs, la fin des conflits d’intérêts ou encore la création d’une «Haute autorité de la déontologie». Dans une séquence délétère pour l’image des politiques après les aveux de Jérôme Cahuzac (exclu hier du PS), ce serait l’arme anti-fantasmes de l’exécutif. Une poignée de députés et certains ministres - Cécile Duflot, Pascal Canfin, Marie-Arlette Carlotti et Arnaud Montebourg - ont ouvert le bal des déclarations publiques de patrimoine. Une «mise à poil», selon certains élus réticents à dévoiler la valeur de leurs biens et le solde de leur(s) compte(s) en banque, qui crée un «malaise latent» dans les couloirs de l’Assemblée, dit un responsable PS.

Hier matin, en réunion de groupe, Ayrault a martelé les mots «transparence», «dignité» et «probité», laissant au placard le terme de «moralisation» jugé trop stigmatisant. «On ne peut pas dire que cela soulève l’enthousiasme de mes collègues, rapporte un député PS. Beaucoup y voient de l’impudeur.»

«Ce n’est pas une faute individuelle qui doit nous conduire à jeter l’opprobre sur tout le monde», s’est même permis le président de l’Assemblée, Claude Bartolone. Or Matignon a choisi d’être intraitable : vendredi soir lors de la réunion d’arbitrage sur le futur projet de loi, il a même été question d’aller jusqu’à exiger la publication du patrimoine des conjoints des élus… Ce qui a laissé plusieurs participants effarés. «Soit on répond à l’affaire Cahuzac par la vindicte populaire en jetant les élus en pâture, soit on s’en tient à un triptyque prévention, contrôle et sanction. Si on est ferme sur ces trois piliers, il n’y a pas besoin de publication. On n’est pas en 1942, la République ne fonctionne pas à la délation», s’emporte un dirigeant socialiste qui regrette que le gouvernement légifère sous le coup de l’émotion. Comme sous Sarkozy…

«Suspicion». Hier à l’Assemblée, l’agacement face à la publicité des patrimoines se ressentait autant à gauche qu’à droite. De Jérôme Guedj (PS) alertant sur un «grand déballage» risquant «d’entretenir le phénomène de suspicion», à Benoist Apparu (UMP) mettant en garde contre un «classement entre les députés riches et les députés pauvres». D’André Chassaigne (PCF), dénonçant comme «un peu malsain» que des élus puissent passer pour «fortunés» alors qu’ils ont «parfois des biens de famille», au patron du groupe UMP, Christian Jacob, réclamant une transparence pour «tous les gens qui […] portent la parole publique» : «magistrats», «journalistes», «patrons d’organisation syndicales»… Autant de «réactions très corporatistes des élus de tous bords», selon le coprésident du groupe écolo, François de Rugy, rappelant hier la «résistance à la transparence» qu’il avait pu constater lors du rejet en 2011, d’une proposition de loi UMP sur le sujet.

«Voyeurisme». D’autres députés - de droite comme de gauche - ont déjà publié leur patrimoine sur Internet : «J’ai désormais une rubrique transparence sur mon blog . Faut pas que mes filles la voient sinon elles vont me demander d’augmenter leur argent de poche…», plaisante un élu PS. Les récalcitrants crient au «voyeurisme» ? «Dans toute une série de pays et de très longue date, cette transparence existe et ne nourrit pas de voyeurisme», rétorque un conseiller du Premier ministre. Faire comme dans le reste de l’Europe, «pas plus, pas moins», insiste un député PS. A condition que l’exécutif y mette les moyens de contrôle des déclarations des élus. La «Haute autorité de la déontologie», qui doit remplacer la Commission pour la transparence de la vie financière, devrait être dotée de pouvoir d’investigation et d’un financement conséquent. Et être constituée de membres au mandat non renouvelable avec nomination validée par trois cinquièmes des parlementaires. A condition d’engager aussi une lutte contre «les racines du mal», insistent des députés : la fraude et l’évasion fiscale. Ayrault a promis hier des «mesures» pour «lutter contre la grande délinquance financière» et «les paradis fiscaux».

Mais à droite, pas question de laisser la majorité tourner la page Cahuzac si facilement. Hier après-midi, les députés UMP ont canardé le Premier ministre, exigeant des éclaircissements sur ce que savaient les services de l’Etat. Manière de coincer un exécutif qui joue là le rebond de Hollande. Un peu trop tard estiment certains : «Il aurait fallu commencer par ça au printemps dernier, regrette un conseiller ministériel. Ça marquait le changement d’ère par rapport au quinquennat Sarkozy et ça nous aurait peut-être un peu prémunis.»

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