L'heure de la transparence ?

Argent public, lobbys, patrimoine... la lente marche vers la transparence de la vie politique.

Politiques

Les Etats-Unis, stricts sur les principes, moins sur la richesse

(Mis à jour: )
Le Congrès américain, à Washington. (Photo Jonathan Ernst. Reuters)

Analyse Ministres et hauts fonctionnaires sont soumis à des enquêtes serrées… qui n’empêchent pas l’argent de gouverner la politique.

Libération

Vue des Etats-Unis, l’affaire Cahuzac rappelle que la France vit encore à l’âge des ténèbres : «Un Cahuzac n’aurait jamais été possible chez nous !», «il aurait été épinglé avant d’être ministre», se confortent les quelques journalistes et analystes américains qui suivent le scandale français. Les mesures aujourd’hui envisagées en France pour «moraliser» la vie politique sont depuis longtemps déjà en vigueur aux Etats-Unis : chaque année, au 15 mai, les élus au Congrès fédéral, leurs principaux collaborateurs, les ministres et leurs collaborateurs doivent rendre un questionnaire énumérant tous leurs biens, leurs revenus et les crédits qu’ils ont contractés. Avant d’être nommés, les ministres américains et leurs principaux collaborateurs sont aussi soumis à une inquisition particulièrement fouillée, le vetting process. Ils doivent répondre à des dizaines de questions portant non seulement sur leur patrimoine mais aussi les moindres recoins de leur vie privée. Ont-ils déjà consommé de la drogue ? Quel est le statut de leurs employés de maison ? Consultent-ils un psychothérapeute ? Chaque administration peut ajouter des questions à sa guise. Actuellement, l’équipe Obama se veut ainsi très rigoureuse, et à la pointe des nouvelles formes de communication : pour éviter les mauvaises surprises, elle demande aussi à ses collaborateurs de fournir les liens vers leurs pages Facebook ou tous autres réseaux sociaux auxquels ils participent. Avant de prendre leurs postes, les ministres doivent aussi être confirmés par le Sénat, qui épluche leurs déclarations, mène ses propres enquêtes et les interroge au cours d’auditions publiques ou secrètes, pendant parfois des journées entières.

«J’ai foiré». C’est à ce stade, en 2008, que le Sénat et la presse américaine avaient découvert que le candidat choisi par Barack Obama pour le poste de ministre de la Santé, Tom Daschle, avait caché au fisc un certain nombre de broutilles : il n’avait pas déclaré qu’un homme d’affaires avait mis limousine et chauffeur à sa disposition et avait aussi omis de soumettre à l’impôt certains de ses revenus de consultant. Quelques jours après ces révélations, Daschle était forcé de retirer sa candidature. «J’ai foiré», avait dû reconnaître Obama lui-même au sujet de cette nomination. L’affaire avait terni les débuts de sa présidence mais elle avait été au moins stoppée avant que l’indélicat ne devienne ministre.

«Même pour des officiels américains de rang moyen, la procédure de contrôle est très rigoureuse, assure le journaliste John Gizzi, qui en plus de trente ans à Washington a vu son lot de turpitudes ainsi révélées. Un ancien ambassadeur en Italie m’a raconté comment les enquêteurs étaient remontés jusqu’à sa girlfriend de ses années lycée, qu’ils avaient interviewée.»

Iles Caïman. Si parfait qu’il ait l’air, le système américain n’en compte pas moins ses failles et n’empêche pas surtout la politique américaine de rester gouvernée par l’argent. «Il est toujours possible de mentir, même si le risque est gros, observe Meredith McGehee, directrice du Campaign Legal Center, un des nombreux think tanks qui tentent de moraliser la vie politique américaine. Généralement, les vérifications se font sur la base de ce que déclarent les hommes politiques.»

Détenir un compte à l’étranger ou dans des paradis fiscaux, comme on le reproche à Jérôme Cahuzac, n’est pas non plus un problème en soi aux Etats-Unis… tant du moins que ces comptes sont déclarés. Durant la dernière campagne présidentielle, on avait ainsi appris que Mitt Romney avait placé une partie de son immense fortune dans des fonds d’investissements aux îles Caïman. Cela n’avait pas aidé à le rendre plus sympathique et plus proche du peuple américain mais ne l’avait pas empêché de poursuivre sa campagne en assurant que ses investissements étaient parfaitement «légaux».

Toute la transparence américaine n’empêche pas non plus les élus à pratiquement tous les niveaux de faire financer leurs campagnes par des lobbyistes et les groupes d’intérêts qu’ils représentent, et de profiter eux-mêmes de leur générosité dès qu’ils quittent le service public. «On dit qu’entrer en politique aux Etats-Unis c’est un peu comme aller au séminaire, résume le journaliste John Gizzi. Nos hommes politiques sont passés au crible pendant quelques années, mais ensuite ils peuvent tirer profit de leur passage au pouvoir et devenir extrêmement prospères.» Un purgatoire d’un an est imposé aux élus et à leurs collaborateurs avant de pouvoir devenir eux-mêmes lobbyistes, délai souvent encore raccourci par des postes de «conseillers stratégiques» qui permettent aux anciens hommes politiques de mettre leur influence aussitôt à profit. L’exemple américain rappelle que la transparence seule ne garantit pas encore la vertu.

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