Médias

Mediapart, l’étrange triomphe

Libération

Le succès de Mediapart aurait dû être sans mélange. Imaginons une grande démocratie où, seul dans le paysage, un site de presse établit que le ministre des impôts est un fraudeur fiscal. Après des mois de bruyantes dénégations, le ministre démissionne. Il avoue avoir détenu un compte en Suisse. Il se couvre de cendres, demande pardon à la terre entière. Le scandale est national. Le Président et son gouvernement sont écrasés sous le poids de l’ignominie. Pour le moins, les confrères rassemblés pourraient saluer le travail du site d’info. Mais non : c’est presque leur procès. On les invite. On les célèbre. Mais sur la fête, plane un je-ne-sais-quoi. Une gêne. Comme s’il fallait leur faire payer cette victoire.

De plateau en plateau, on fait la leçon à la bande à Edwy Plenel. Pas mal, votre enquête, d’accord, vous avez bien joué, vous avez eu de la chance. Mais tout de même : au début, avouez que vous étiez tout de même un peu légers ! Vous n’étiez pas certains, pour la voix dans le fameux enregistrement. Et votre informateur, là-bas, cet ancien agent du fisc, pas très net. Et puis, autour de vos révélations, ce parfum de vengeance de femme divorcée. Pas très propre, tout ça.

Bien sûr, au premier rang des fines bouches, se trouve l’ineffable chroniqueur multicartes Jean-Michel Aphatie - «des preuves ! des preuves !». Sur sa chaîne même, les Guignols l’ont déjà renvoyé à la présentation de la météo, mais il ne désarme pas. Devant tous les micros qui passent, sur son blog, sur son compte Twitter, il se répand au futur antérieur, expliquant que même s’il n’avait pas raison, il n’avait pas totalement tort. Et vice-versa. Mais Jean-Michel Aphatie n’est pas le seul réticent. Derrière lui, voici l’armée cahotante de tous ceux qui ont gobé les démentis de Cahuzac ; tous ceux qui ont été inhibés par son aplomb ; tous ceux qui ont participé à ses déjeuners de com, en sont sortis troublés par ses incohérences, et n’en ont pas écrit un mot ; tous ceux qui, emboîtant le pas à Moscovici, ont titré sur un rapport suisse «blanchissant Cahuzac», alors qu’ils n’en avaient pas lu une ligne ; tous ceux qui ont trouvé Cahuzac «convaincant» parce qu’il parlait fort, parce qu’il démentait, les yeux dans les yeux, en bloc et en détail ; tous ceux qui, peut-être, ont tremblé de voir le ministre du Budget dévoiler leurs propres turpitudes fiscales ; tous ceux-là auraient pu au moins se taire, à défaut de faire amende honorable.

Mais c’est tout le contraire. Comme si tout le PAF s’était «aphatisé» à contretemps. Sur France Inter, Fabrice Arfi, de Mediapart, se trouve confronté à un confrère du Monde, qui le considère de toute la hauteur de son vénérable journal. Vous les jeunots, vous prenez des risques, c’est une affaire entendue. Mais nous, pour ce qui nous concerne, à notre place de journal de référence, on ne pourrait pas se permettre ces petites blagues. Il faut nous comprendre. On est sérieux, nous. On donne le ton. On a des responsabilités. C’est nous qui avons été choisis, par la crème des médias internationaux, pour sortir en France l’enquête sur les paradis fiscaux, qui va écraser celle de Wikileaks. Donc, quand vous serez dans le club des grands, on en reparlera.

Autre argument entendu : si on n’a pas repris Mediapart, c’est parce qu’ils sont fatigants, avec leurs leçons de journalisme. Si encore ils étaient de bons confrères, sympathiques, modestes, payant leur coup, avec quel plaisir on aurait repris leurs infos sur Cahuzac. Mais qu’ils en rabattent d’abord ! Et maintenant ? Maintenant, on va se rattraper. Faites-nous confiance. On va mettre les bouchées doubles. On va en faire, de l’investigation. On va en sortir, des comptes en Suisse. Faites-nous confiance pour dévoiler ses vilenies, à Cahuzac. A l’école primaire, au lycée, à la crèche, on va les retrouver, tous ceux à qui il a piqué des pains au chocolat. Et Hollande ! Il ne va pas s’en tirer à si bon compte, celui-là. Faites-nous confiance pour nous demander si «Hollande savait», si Valls était informé par sa police secrète, s’il a reçu une note blanche, une note bleue, une note rouge. Faites-nous confiance pour ressortir des confidences datant de décembre dernier.

Pour se demander si les politiques ont été plus perspicaces que nous, les journalistes, on va rattraper le temps perdu. Faites-nous confiance pour le pousser à prendre une initiative, le Hollande, à remanier, à dissoudre, à changer de politique, à faire quelque chose, n’importe quoi mais quelque chose. On sera impitoyables.

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