Monde 05/03/2010 à 19h34

Portugal: «Le mécontentement risque très certainement d'augmenter»

Interview

Le chercheur portugais Elisio Estanque, spécialisé en travail et syndicalisme, décrypte le contexte de la mobilisation.

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RECUEILLI PAR MARGAUX COLLET

Le mouvement de grève entamé au Portugal jeudi par la fonction publique promet de durer. L'annonce du gel des salaires des fonctionnaires dans le cadre du budget 2010 présenté par le gouvernement de José Socrates provoque une mobilisation massive. La population portugaise n'est pourtant pas une habituée des manifestations. Mais la précarisation croissante et le taux de chômage historique (10%) que connait le pays inversent la tendance. Elísio Estanque, coordinateur du groupe d'études sur le travail et le syndicalisme à l'Université de Coimbra, décrypte les enjeux de la mobilisation actuelle.

Qui compose le mouvement amorcé hier au Portugal ?

Il s'agit d'un mouvement de protestation principalement composé de fonctionnaires de l'administration publique, convoqué par les deux grandes centrales syndicales du pays : l'Union générale des travailleurs et la Confédération générale des travailleurs portugais (CGTP, proche des communistes).

Existe-t-il une tradition syndicale au Portugal ?

Le Portugal n'a pas une grande tradition en ce qui concerne ce type de mouvement et de contestations. L'arrivée au gouvernement de José Socrates a marqué le gel des salaires même si la dernière grande grève de 2007 des travailleurs de la fonction publique a permis une revalorisation de 3%. Depuis, toutes leurs attentes ont été complètement frustrées.

Ces dernières années, nous avons connu les plus fortes protestations depuis celles de 1974 (année de la chute de la dictature salazariste, ndlr). La grève des professeurs a notamment été l'objet d'une très forte adhésion (80%) et a entrainé le départ du ministre de l'Education en 2008. C'est une conjoncture globale qui a conduit à cette situation : les évolutions de carrière et les salaires ont été congelés dans l'administration publique, on a vu l'augmentation des emplois précaires et des privatisations dans de nombreux services. Il s'agit d'un ensemble de facteurs qui ont contribué à créer un mécontentement et un malaise social dans la fonction publique.

Cette grève s'annonce-t-elle ponctuelle ou s'inscrit-elle dans un mouvement sur le long terme?

Les annonces officielles des dirigeants syndicaux prévoient la généralisation de ces luttes à d'autres secteurs et leur prolongement dans le temps. Cela est fort probable du fait de la crise économique, du taux de chômage très élevé (10%, ndlr) et des 20% de la population qui sont proches de la très grande pauvreté. Le mécontentement risque donc très certainement d'augmenter.

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