Monde 13/05/2011 à 17h37 (mise à jour à 20h12)

Les Syriennes au cœur du «vendredi des femmes libres»

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Par ELODIE AUFFRAY

Rassemblement de femmes à Banias, le 16 avril 2011, contre les tensions ethniques qui ont éclaté dans cette ville, au début du soulèvement. (Reuters)

Pour le neuvième vendredi consécutif, les Syriens étaient appelés à descendre dans la rue. Après le «vendredi saint», celui «de la colère», celui «du défi», cette journée a été baptisée le «vendredi des femmes libres».

«Le 13 mai nous manifesterons pour la dignité de nos sœurs détenues», écrivait la page Facebook «The Syrian revolution 2011», principal site à lancer les mots d'ordre de la contestation.

Parmi les «sœurs détenues» mises en avant, Tal Al-Mallouhi. Cette blogueuse de 19 ans, arrêtée fin 2009, a été condamnée en février à cinq ans de prison par

Pour Reporters sans frontières, «c'est une étudiante ordinaire qui partageait tout simplement sa vision de la société sur son blog». Elle écrivait principalement à propos des Palestiniens et avait adressé une lettre à Obama à ce propos.

Ci-dessus, l'image du profil Facebook «The Syrian revolution 2011». Tal Al-Mallouhi est la jeune femme qui porte une casquette.

Journaliste et militante des droits de l'homme, Dana Al-Jawabra (vignette du bas) a été arrêtée à Damas, le 16 mars, lors d'une des premières manifestations. Une centaine de personnes, surtout des femmes, s'était rassemblée devant le ministère de l'Intérieur pour demander la libération des prisonniers politiques. Relâchée mi-avril, Dana Al-Jawabra a de nouveau été incarcérée début mai.

Touhama Maarouf, elle, est une ancienne militante communiste (au milieu). Condamnée pour cela à 15 ans de prison en 1995, les autorités ont décidé de lui faire purger sa peine... quinze ans plus tard. Elle est enfermée depuis février 2010.

-> Sur cette vidéo, on voit défiler Tal al-Mallouhi, Touhama Maarouf, Dana Al-Jawabra, puis Lina Mohamad, Ramya Alghamyan et enfin Souhair Atassi, l'une des figures de la défense des droits de l'homme. A 2'55, une autre activiste se fait arrêter lors d'une manifestation nocturne à Damas, le 9 mai.

Société conservatrice

Les leaders de la contestation ont-ils voulu faire de ces militantes des exemples pour les Syriennes, pour les inciter à venir grossir les rangs des cortèges?

Les femmes ont été, selon plusieurs militants, beaucoup plus présentes dans les rues, aujourd'hui. «Participation impressionnante des femmes aujourd'hui à Amouda et Rastan», twitte @Razaniyat. «Al Damir près de Douma: plus de 3000 manifestants, 500 femmes, appelant au changement du régime», relate @ShaamNewsEn. «3000 hommes et 1500 femmes dehors à Al-Damir, petite ville près de Douma», selon @RazanSpeaks.

Les femmes étaient jusque-là très discrètes, voire absentes des manifestations. C'est ce qui ressort des vidéos amateur. «Dans les cortèges qui sortent des mosquées le vendredi, les femmes ne sont pas là, souligne Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie. Ce sont surtout les quartiers pauvres qui se mobilisent, peuplés d'arabes sunnites assez traditionnalistes. Pour eux, la place des femmes n'est pas dans l'espace public. Encore moins quand c'est dangereux, comme en ce moment.»

Le 13 avril, des centaines de femmes ont manifesté pour réclamer la libération de leurs maris détenus. Ici à Baïda, près de Banias, sur la route côtière. (Reuters)

«La Syrie est une société conservatrice, où les femmes ne participent pas aux manifestations. Mais le problème est surtout que les gens ne peuvent pas se réunir sans avoir des problèmes de sécurité, nuance Wissam Tarif, directeur de l'Insan, organisation de défense des droits de l'homme. Ils se sont donc rassemblés dans les mosquées, où les femmes ne vont pas prier en Syrie.»

Les femmes ont donc adopté une autre technique: des rassemblements séparés. «Elles se disent que là, la police ne peut pas tirer. Si c'était le cas, les réactions des hommes seraient très violentes», souligne Fabrice Balanche.

Ainsi à Damas, une centaine de femmes -«plutôt des intellectuelles laïques», indique Balanche- ont manifesté, à deux reprises. Comme ici, le 2 mai:

A Banias aussi: lorsque l'armée est entrée dans la ville et a lancé une campagne d'arrestations, elles ont demandé la libération de leurs maris ou enfants. Quatre ont été tuées par des tirs de police, ce qui a beaucoup choqué. Deux jours plus tard, elles étaient des centaines. «Bravant les agents de sécurité et l'armée, elles ont foncé sur des points de contrôle dressés dans les quartiers sud de Banias», raconte l'AFP.

Pour Wissam Tarif, «la lutte pour l'égalité hommes-femmes fait partie du combat» qui se joue en ce moment. Certes, la femme syrienne garde certains droits, comme celui de se marier sans l'accord parental, dit-il. Mais les crimes d'honneur ne sont que légèrement punis et les femmes font face à beaucoup de problèmes sociaux.

Ce militant veut croire qu'aujourd'hui, avec toutes ces femmes dans les rues, il s'est «passé quelque chose».

 

Les femmes dans la révolution syrienne...

Suivre les comptes Twitter des militantes @profkahf (petite-fille d'une des fondateurs des Frères musulmans, mais qui s'en est est démarquée), @Razaniyat (voir aussi son blog «féministe et de gauche») ou encore @suhairatassi (en arabe).

Voir aussi le blog «A gay girl in Damascus», «la blogueuse lesbienne devenue une héroïne en Syrie», comme l'écrit le magazine Time.

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