L'affaire Cahuzac

Des révélations de Médiapart aux aveux de l'ancien ministre, le dossier secoue toute la classe politique française.

Politiques

Pascal Canfin: «Les paradis fiscaux sont une menace pour la démocratie»

Le ministre du Développement Pascal Canfin, lors d'un point presse au Burkina Faso le 23 janvier. (AFP)

Interview Affaire Cahuzac, «Offshore Leaks»... la lutte contre l'exil fiscal doit être accentuée estime le ministre écologiste délégué au Développement, investi de longue date sur ce sujet.

Libération

Fondateur de l’ONG Finance Watch en 2010, ancien député européen écologiste et aujourd’hui ministre délégué au Développement, Pascal Canfin place la lutte contre les paradis fiscaux au premier rang des actions à mener pour restaurer la confiance des citoyens dans la politique.

Dans le climat de crise politique que nous traversons, vous reprenez votre combat contre les paradis fiscaux. En quoi cela peut-il être une réponse à la défiance vis-à-vis du politique ?

Je ne reprends pas ce combat. Je ne l’ai jamais abandonné. La fraude fiscale de Jérôme Cahuzac, comme l’enquête «Offshore Leaks» qui concerne des faits établis au quatre coins de la planète, ne font que confirmer une réalité que nous, les écologistes, dénonçons depuis des années. Les paradis fiscaux sont une menace pour la démocratie. Cela ruine la confiance qu’on peut avoir dans l’égalité devant l’impôt. Les grandes entreprises qui en paient moins que les PME, les très riches qui s’en exonèrent par rapport aux classes moyennes... C’est un axe majeur de notre combat politique car quand ces pratiques sont révélées, les gens se sentent floués et c’est le contrat social qui fonde la démocratie qui est remis en cause.

Pour y remédier, que faut-il faire ?

Nous ne devons pas laisser dire que nous n’avons rien fait. Au niveau national, la nouvelle loi bancaire va imposer aux établissements financiers de déclarer leur chiffre d’affaires et leur masse salariale dans tous les pays où elles opèrent. Au niveau européen, cela va encore plus loin. La directive CRD IV, qui doit progressivement entrer en vigueur à partir de 2014, imposera, grâce à un amendement du groupe des Verts au Parlement européen, non pas deux mais quatre critères aux banques : déclarer leur chiffre d’affaires, leurs profits, leur masse salariale et les impôts qu’elles paient. On va donc pouvoir démontrer qu’une banque dans un pays X fait beaucoup de profits mais paie des impôts proches de zéro. C’est une façon efficace, sans désigner nommément tel ou tel pays, d’ouvrir la boîte noire des paradis fiscaux.

Est-ce que cela suffit ?

Non, il faut aller plus loin et notamment instaurer la transparence dans tous les secteurs, étendre le dispositif qui va s’imposer aux banques aux autres entreprises. Il faut également améliorer l’échange d’informations fiscales entre les Etats. Quand Valérie Pécresse était ministre du Budget, elle-même avait dressé un bilan négatif des conventions fiscales adoptées après la crise financière de 2008. Il faut augmenter la pression politique et renforcer les sanctions contre les Etats qui ne jouent pas le jeu. Par exemple, deux pays bloquent pour l’instant l’adoption de la directive européenne sur les échanges automatiques d’information. C’est inacceptable d’avoir deux pays aussi peu coopératifs sur ces sujets au sein de l’Union européenne. Nous avons un marché unique mais 27 règles fiscales. Dans aucun autre espace économique au monde il y a une telle concurrence fiscale. Harmoniser les règles au sein de l’Union européenne et lutter contre les paradis fiscaux, cela fait partie des réponses qui redonnent de la confiance dans la capacité des politiques à reprendre la main.

Quel contre-système faut-il mettre en place ?

On ne pourra malheureusement jamais empêcher X ou Y de tricher mais nous devons entrer dans une ère où la triche ne reste plus impunie. Le système actuel, qui organise l’impunité, est mortifère. Un objectif zéro triche est illusoire mais faire en sorte qu’il y ait une très forte probabilité de se faire prendre et de payer, c’est ça qui compte. C’est notre combat depuis des années. La seule bonne nouvelle dans l’affaire Cahuzac, c’est qu’au bout du bout, il n’y a pas d’impunité. Il faut poursuivre nos efforts. La France doit porter cette exigence plus haut, dénoncer plus fort, même si, encore une fois, ce gouvernement a déjà commencé à agir.

Depuis les aveux de l’ancien ministre du Budget, il est question de «faute morale» mais est-ce bien le registre dans lequel il faut évoluer ?

Il y a évidemment une faute morale dans le mensonge à grande échelle de Jérôme Cahuzac. Mais on est dans un système global et ce système qui permet l’exil fiscal est aujourd’hui devenu la norme pour de très nombreuses entreprises. On est bien face à une rupture du pacte démocratique.

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